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Collège Albert Camus : une opération choquante présentée comme banale

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« Je continue à m'opposer à ceux qui croient que l'histoire se fait avec des fusils et des gendarmes » (Albert Camus, Lettres à un ami allemand, Gallimard, 1945)

Le lundi 13 mai 2025, une opération de contrôle a été menée à l’entrée du collège Albert Camus à La Tour-d’Aigues. Les gendarmes ont procédé à des contrôles et à la fouille des sacs des élèves. Dans un message adressé aux familles via l’application Pronote, le principal précise que l’opération s’est déroulée « avec bienveillance et en bonne intelligence et urbanité avec le service public de l’éducation nationale», tout en reconnaissant que cela « a pu impressionner certains élèves», et « les accoutumer à considérer comme naturels les contrôles de gendarmerie».

C’est précisément cette accoutumance qui interroge et inquiète.

Ces contrôles n’ont rien de naturel. Ils relèvent du Code de procédure pénale et procèdent d’une dernière trouvaille des ministres RETAILLEAU et BORNE qui prévoient, par une circulaire du 26 mars 2025, la généralisation des contrôles et fouilles dans les collèges et lycée. Le collège Albert Camus semble donc être une première dans le Vaucluse. Il faut rappeler que ces contrôles et fouilles aléatoires sont des opérations de police judiciaire, encadrées par l’article 78-2-2 du code de procédure pénale et qui ne peuvent être menées qu’avec l’accord du procureur de la République, dans un cadre strict : Elles ne relèvent pas de la prévention éducative mais d’un dispositif de recherche d’infractions. Les présenter comme un geste de sensibilisation revient à brouiller volontairement les repères, et à faire accepter aux enfants une logique de contrôle sans justification.

Le choix des mots employés — accoutumer à considérer comme naturels les contrôles de la gendarmerie — est révélateur : on cherche à faire entrer dans le quotidien de l’école une pratique policière exceptionnelle, sans que les familles n’en soient informées en amont, sans débat, sans nécessité démontrée. Il ne s’agissait pas d’un contexte de tension, ni d’un incident particulier. La Tour-d’Aigues n’est pas un territoire en difficulté, le collège Camus n’est pas un établissement prioritaire.

Ces fouilles instaurent un climat de méfiance, d’anxiété, sans prévenir les violences réelles. Elles stigmatisent sans raison, et installent l’idée que les collégiens, dès 11 ans, peuvent être contrôlés et fouillés aux abords des espaces scolaires à tout moment, sans motif : quel⋅le⋅s citoyen⋅ne⋅s entendons nous former ainsi?

À La Tour-d’Aigues, paisible village du Sud Luberon, la vacuité de ces mesures sécuritaires guidées par une idéologie de la suspicion généralisée vient d’être démontrée : 8 gendarmes requis par le procureur de la République pour fouiller les collégiens de La Tour-d’Aigues, c’est tout simplement ridicule!

Nous comprenons que les équipes éducatives soient sous pression, démunies face à certaines situations, notamment par l’effet des coupes budgétaires de 225 millions d’euros de l’éducation nationale ( moins 50 millions pour la formation des enseignants, moins 170 millions pour l’enseignement scolaire, moins 5 millions pour l’Onisep (opérateur public en charge de l’orientation). Ce n’est pas en remplaçant la présence éducative par des interventions policières que l’on construira un climat serein. L’école doit être un espace de confiance, pas un sas de contrôle.

Nous refusons que nos enfants soient « accoutumés » à ce type de pratiques policières dès le collège. La force, même légale, ce n’est pas l’Autorité. L’Autorité, c’est ce qui élève, ce qui explique, ce qui fait grandir, et fait avancer en confiance vers l’autre.

Apprenons à nos enfants qu’ils ne sont pas des suspects et que l’autre n’est pas une menace. L’autre est un égal, un pair, une source de richesse et de développement. C’est cela, la Fraternité !