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Retour sur la journée du 8 mars 2025 à La Tour-d'Aigues : entre engagement et crispation

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Collage : « Nous ne raserons ni les forêts, ni nos jambes, ni les murs »

Une nuit militante dans les rues de La Tour d’Aigues : quoi ?!

Rond point de La Tour-d'Aigues, avec une banderole « ensemble contre toute domination » et un clitoris géant affublé d'une cape.

Ce 8 mars 2025, les habitantes et habitants de La Tour-d’Aigues se sont réveillés avec une surprise inattendue : dans la nuit, un collectif féministe local avait discrètement investi l’espace public pour y laisser des messages engagés en faveur de l’égalité femmes-hommes.

Qu’est-ce donc ?

8 mars ! journée internationale des droits des femmes pardi !

Sur les murs, les panneaux d’affichage libre, les trottoirs, des collages percutants : « Je te crois », « Être féministe, c’est être contre toutes les dominations », « Nous collons la nuit pour que l’égalité voie le jour ». Le clou du spectacle ? Un clitoris géant installé sur le rond-point à l’entrée du village, avec une pancarte sobre et explicite : « Ensemble contre toute domination ».

Aucun tag, aucun dégât, rien d’irréversible. Juste des collages et des installations temporaires, certes illicites lorsqu’ils n’étaient pas apposés sur les espaces d’affichage libre, mais une action symbolique, et temporaire. Une action, surtout, qui s’inscrit dans un mouvement national de sensibilisation à la lutte féministe.

Mais la réaction ne s’est pas fait attendre…

Effacement express : quand la parole féministe dérange

Dès le matin, les panneaux d’affichage libre ont été méthodiquement arrachés. Peu après, la police municipale a rapidement eu pour instruction de procéder au retrait immédiat de toutes les installations, qu’importe qu’elles ne gênassent ni la circulation ni l’espace public, la pollution visuelle fut instamment jugée intolérable. Un nettoyage express qui pose question : à La Tour d’Aigues, le mot d’ordre du 8 mars :  pas de vagues ! 

Sur les réseaux sociaux, le sexisme ordinaire en roue libre

Loin de calmer le jeu, cette disparition expéditive a déchaîné les commentaires sur les groupes Facebook et WhatsApp locaux. Sous couvert d’une prétendue « protection de l’environnement » (alors que tout était temporaire et non polluant), ou du respect strict de la loi (ce qui se discute pour l’arrachage des installations sur les panneaux d’affichage libre) les insultes sexistes ont afflué, nombreuse, et toute la journée:

« Elles sont frustrées du sexe, c’est tout ! »
« Ridicules, elles nous font honte »
« Bonne journée les femmes ! » (sous une photo d’un grand carambolage de voitures)

De quoi rappeler que la lutte pour l’égalité ne se résume pas à une date sur le calendrier, et que les mentalités ont encore du chemin à parcourir. Car non, la journée internationale des droits des femmes n’est ni une seconde fête des mères, ni une kermesse déguisée pour divertir le villageois.

La Tour-d’Aigues, loin d’être un îlot d’égalité

Si certains persistent à penser que l’égalité est acquise, un simple coup d’œil aux chiffres de l’INSEE pour la commune (84240) suffit à nuancer cette vision idyllique. Comme partout en France :

  • À La Tour d’Aigues, les femmes gagnent moins que les hommes : l’écart salarial reste une réalité, l’écart de salaire net horaire moyen entre les femmes et les hommes est de – 17,7%
  •  À La Tour d’Aigues, la disparité de revenus homme – femme atteint – 28% pour les femmes de plus de 50 ANS.
  • À La Tour-d’Aigues, 83% des familles monoparentales sont à la charge de femmes (les même qui ont des salaires plus faibles).

(Source Insee, 2021 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-84133#tableau-SAL_G3)

Imagine-t-on que les violences sexistes et sexuelles, qui constituent toujours une plaie nationale, se volatiliseraient dans la vallée d’Aigues ? En 2024, 140 féminicides ont été recensés en France, et une femme sur trois subit du harcèlement au travail.

Et qu’on ne s’y trompe pas ; le patriarcat ne s’arrête pas aux portes des grandes villes. Dans un village provençal comme La Tour-d’Aigues, les mentalités évoluent, mais lentement. Très lentement.

Des figures historiques, mais un combat encore actuel

On applaudit Simone Veil et Gisèle Halimi, mais les hommages posthumes ne suffisent pas. On applaudit la constitutionnalisation de l’IVG mais les remparts juridiques contre les réactionnaires ne suffisent pas. La lutte féministe est toujours en cours, active, urgente, et nécessaire. Elle est intersectionnelle, car elle concerne toutes les formes de domination : de classe, de race, de genre. Et elle ne devrait pas être un tabou.

Alors, pourquoi ne pas faire du 8 mars une journée officielle de mobilisation féministe à La Tour-d’Aigues, avec une manifestation publique, comme cela se fait pour d’autres causes ? Les commerçants s’en sont déjà saisis depuis plusieurs années en affichant des slogans pour l’égalité sur leurs vitrines.

Ce serait une façon d’apaiser les tensions et de transformer la crispation en dialogue. Parce qu’en fin de compte, l’égalité ne devrait pas être un combat, mais un consensus.


Et si on commençait par ça, dès l’an prochain ? 💜

Collage sur le panneau d'expression libre affichant « Nous collons la nuit pour que l'égalité voie le jour »